lundi 20 janvier 2014

Hells bells - Phnom Penh - 20.01.13

S21. Quand j'y repense j'ai des frissons.
Je dois faire une halte rapide à Phnom Penh pour faire mon visa vietnamien.
On m'a dit : surtout, visite la prison S21.

J'y suis donc allée sans savoir à quoi m'attendre.

J'ai reçu un choc face à toutes les horreurs décrites. Les anecdotes les plus terribles les unes que les autres y sont relatées. J'ai été tétanisée devant les descriptions des tortures subies, ne réagissant même plus tant j'étais choquée.

Je vous épargnerai les photos les plus terribles, j'éviterai les récits trop crus.
Mais un rapide coup d'œil au règlement peut déjà vous donner un aperçu.
 
 

Pourquoi y aller alors ? La visite est proche du cauchemar, pourquoi s'infliger ça ?
Parce que visiter la prison S21, c'est comprendre le traumatisme encore bien présent au sein du peuple cambodgien.

Rapide rappel des faits : Le 17 avril 1975, les khmers rouges s'emparent de Phnom Penh, faisant chuter le gouvernement précédent, apparenté à une dictature. D'où les scènes de liesse quand Pol Pot et ses hommes investissent la capitale.

La joie va vite laisser place à l'horreur.
Le soir même, le nouveau parti au pouvoir décide de vider la ville de ses habitants. Ils prônent un Cambodge rural. Tous doivent désormais travailler aux champs. Si tu n'en es pas capable, si tu marches trop doucement, si tu te plains, tu reçois une balle. C'est simple. Peu importe, vieillards, infirmes, enfants.

Les intellectuels sont particulièrement persécutés. Dangereux car éduqués.
Comment reconnaît-on un intellectuel? Ils portent des lunettes.

Les khmers rouges feront régner un état de terreur. Travaux forcés pour tous et élimination des soldats, fonctionnaires et autres supposés espions.

C'est dans ce cadre que l'on créée une des nombreuses prisons du pays. S21 étant la plus connue.
Prison, le mot est inapproprié puisque les gens restent peu de temps. 3 mois en moyenne ; le temps de les traiter comme des animaux, de les affaiblir, de les torturer et de les envoyer au camp d'extermination à quelques kilomètres de la ville. Pas d'espoir d'en ressortir vivants.
À la libération par les vietnamiens de la ville en janvier 1979, on ne retrouvera que 7 survivants.

 
Bou Meng, un des 7 survivants

Entre temps, près de 20000 personnes seront passées par là et dont les os et les crânes seront retrouvés dans les fosses du champ d'extermination.

Ce qui est choquant quand on franchit la porte d'entrée de S21, c'est de se retrouver dans un décor si familier puisque ce centre d'interrogatoire est en fait une école qu'on a réaménagé à la va-vite.



Là où on aimerait voir des écoliers courir et rire dans la cour d'école, on découvre avec effroi que mêmes les infrastructures de jeux ont été transformées en machine à torturer.


Et quand on voit les visages des gardiens de cet prison, on se rend compte que ce sont ces mêmes écoliers qu'on a embrigadés, lobotomisés grâce à une propagande démesurée.

Les gardiens de S21 avaient entre 12 et 18 ans pour la plupart.
Il parait qu'ils étaient encore plus cruels que les adultes.

Photos des gamins.. gardiens.

Les khmers rouges étaient très pointus sur la tenue des registres et photographiaient tous les nouveaux venus.




Les photos des suppliciés servaient à faire admettre plus facilement les déclarations qu'ils voulaient entendre aux prisonniers. Si tu n'avoues pas, voilà ce qu'il t'attend.
Dans tous les cas, la mort. Tortures en option si tu es un tenace.


Quand je demande mais pourquoi on tuait aussi les enfants et même les bébés de la famille du prisonnier, on me répond que les khmers rouges pensaient qu'ils seraient des futurs opposants car issus d'une famille de rebelles. CQFD d'esprits tordus.

Les cellules ont été construites en un temps record. Les anciennes salles de classe ont été éventrées à coup de marteaux pour avoir une perspective plus grande sur les cellules.
 
 

En bas, en bois, au 1er étage en brique. Au dernier étage, on a décidé que les séparer en cellule était indispensable. Des hommes alignés au sol et enchaînés, voilà tout.
 


 

Une douche ?? Mais vous plaisantez.. Une fois par mois, on lancera de l'eau à travers les fenêtres.

boite de munitions qui servait de toilettes

Les salles de tortures sont intactes. Un bureau, un lit auquel on attache le supplicié puis on attend que ce dernier dénonce sous la torture ses amis, parents, collègues..


Ma visite à S21 a été terrible. Nécessaire.
J'ai marché sur du sang, de la pisse, de la merde mais surtout de la honte.
J'en suis sortie écœurée.

La vision des torturés se juxtaposait à celle des enfants jouant auparavant dans cette cour. Je ne comprends rien à l'humain quand je le vois sous ce jour.

J'ai essayé de me documenter. Si l'histoire vous intéresse et que vous voulez en savoir plus, regardez ce documentaire qui confronte quelques-uns des survivants à leurs anciens tortionnaires. Bouleversant.

Documentaire S21, la machine de mort khmère rouge.

Puis j'ai découvert une autre histoire. Qui nous concerne, nous, la France. Ahhh la belle France qui sait se montrer lâche aux meilleurs moments.

Dans les jours qui ont suivi l'arrivée des khmers rouges à Phnom Penh, les ex-dirigeants du gouvernement déchu, traqués, se tournent vers leurs amis les français. Qui n'en veulent pas soyons clairs.

Mais les mouvements de foule aidant, certains hauts-fonctionnaires réussissent à rentrer au sein de l'ambassade et demandent l'asile politique à cette France qui les recevait avec honneur quelques semaines auparavant.

Les khmers rouges demandent à ce qu'on les livre. Un télégramme est envoyé à Paris : on fait quoi ?

La réponse, je vous laisse la deviner. À l'heure dite, les gendarmes français poussent les ex dirigeants dans le camion qui les enverra à la mort. On connaissait leur sort, on ne s'est même pas battus pour les sauver.
Écœurant. Une nouvelle fois.

Là aussi, pour en savoir plus, un article du monde à lire ici.

Enfin, je me dis qu'on a pas fini d'être cons quand je vois des « gros mollets » qui osent se faire prendre en photo dans les mini-cellules feignant d'être eux-mêmes des prisonniers.
Quel beau souvenir.. Se rendent-ils seulement compte de l'indécence de leur photo ?

Bref, parfois je désespère de l'humain.


PS: promis, à partir du prochain post, je note toutes les infos pratiques de l'étape. Là, j'en ai pas le cœur.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

je venais de déjeuner avant de lire ton article, et même si je sais tout ce que tu as vu, tout ce qu'on a fait à ce peuple , là tu m'as fait toucher les choses du doigt. Et oui l'homme est un loup pour l'homme.
Depuis Hitler se servir des enfants est une règle chez les dictateurs. ah il aura fait école celui là. Bref je ne sais pas si mon déjeuner ne vas pas retourner d'où il vient...
1000 baisers

Anonyme a dit…

Comme tu dis, c'est affreux mais nécessaire de visiter ce genre d'endroits qui figure honteusement dans la liste des génocides du 20éme siècle.

Tu as eu raison de nous le faire partager.

J.M

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je termine cette page, je n'ai pas regardé le vidéo, pas lu les article. J'ai les larmes aux yeux et je frissonne... Je ne sais pas si je ferai la visite lors de mon séjour au Cambodge...
Merci

Mimi bulle a dit…

Si, il faut y aller pour comprendre l'histoire de ce pays. C'est très dur certes, mais nécessaire..
J'en ai eu froid dans le dos mais je suis heureuse d'y être allée.
Vas-y..

lalelo a dit…

Je pleure, et je pleurerai quand j'y serai, l'horreur ne quittera plus mes yeux; et j'en ferai des cauchemars.