J’étais donc bloquée à cause d’un typhon dans le village de
Nuodeng. Les jours passent et la pluie ne cesse de tomber, provocant des
éboulements qui bloquent la route reliant les villes alentours. Au bout de 5 jours, enfin, ma famille
m’annonce que je pourrai repartir le lendemain matin. Non pas que Nuodeng ne
soit pas mignon, mais on en fait vite le tour.
Retour donc à la civilisation. Aux aurores, je prends un bus
dans la ville la plus proche , Yunlong,
pour Jianchuan à .. 6h30 de route. Un mini-bus déglingué fait le trajet
et après 15 minutes à l’intérieur, j’en arrive à la conclusion que l’occupation
principale du chauffeur et de la dizaine de passagers est de fumer le plus possible
de cigarettes à la chaine. Asthmatiques s’abstenir ! L’habitacle n’est qu’une
épaisse fumée qu’on laisse de temps en temps échapper par les petites fenêtres
par lesquelles le froid s’engouffre. Autant dire que ce voyage a été légèrement
éprouvant. D’autant que je découvre une nouvelle tradition chinoise. Si un
passager sort une cigarette, il en propose automatiquement à tous ceux qui
l’entourent. Je ne fais pas exception à la règle et malgré un refus poli, le
ton sur lequel on me répond tout en agitant la cigarette devant moi ne laisse
pas de place à la négociation. Voilà comment je me retrouve dans un bus glacé
et enfumé obligée de crapoter des cigarettes chinoises qui n’ont rien à envier
aux gauloises sans filtre.
Autant vous dire que je suis contente d’arriver à Jianchuan.
Mais ma journée de transport ne s’achève pas là puisque je dois reprendre un
taxi collectif jusque ma destination finale, Shaxi et enfin trouver une
guesthouse pour m’écrouler sur mon lit, extenuée.
Le lendemain, je suis récompensée de ma persévérance, Shaxi
est un gros village hors du temps au charme ravageur. Tout est beau, tout est
paisible, Shaxi est petit mais on pourrait y passer des heures, des jours, à apprécier
la sérénité des lieux. Je crois que jamais, dans aucune autre ville de mes précédents
voyages je n’ai ressenti autant de… zen.
Le lieu de rendez-vous est la place principale.
Les vieux au regard absent côtoient les enfants joueurs.
Et moi je suis heureuse d’être la spectatrice discrète de
ces moments de vie qui me font aussitôt oublier les heures de route.
J’ai même droit à un petit spectacle sur la place principale
filmée par la télé. On dirait que j’ai un ticket avec le cameraman car il me
filme sans discontinuer. Mon petit sourire va-t-il le contenter ? Ah ben
non, il continue…
Petit aperçu du spectacle :
Ce moment de répit aura durer.. 24 h. Aussitôt les galères
me rattrapent. Je suis le miel, les emmerdes les abeilles et on dirait qu’elles
ne sont pas prêtes de me lâcher en Chine.
Ça commence tout d’abord par l’organisation de mes
prochaines étapes qui doivent me conduire aux frontières tibétaines, dans la région de Deqin. Or, j’apprends qu’il
est impossible d’y aller d’une part à cause des dégâts provoqués par le typhon
sur les routes et d’autre part par la neige qui a commencé à tomber. Et une
nouvelle fois bibi se demande où elle va alors poser ses fesses.. Le nord,
c’est foutu, le sud c’est 22 heures de bus.. Je ne suis pas super motivée.
Ensuite, ma pire crainte en voyage commence à pointer son
nez : à mon état de fatigue s’ajoute une satanée fièvre. Etre malade, ce n’est
pas agréable, être malade en voyage, c’est compliqué, mais être malade en plein
milieu de chine, on est dans l’antichambre de l’enfer !
Je me bourre de médicaments et me décide à aller à la
pharmacie du village mais on ne se comprend pas, le pharmacien me montre des
boites écrites en chinois. Impossible de savoir ce que c’est et je n’ai pas
envie de m’empoisonner. Je repars donc avec.. ce qui me semble être de la gelée
royale au vu du dessin imprimé sur la boite.
Je passe deux jours comme ça, semi-comateuse, au fond de mon
lit.
Alors bibi commence à réfléchir. Mon état ne s’améliorant
pas, sans prochaine étape définie, et bien appliquons la fameuse devise : courage,
fuyons ! Je me résous à changer mon billet pour rentrer en France. Si je
dois mourir, autant être entourée des miens (vous remarquerez mon sens aigue de
l’exagération..)
Cela dit, j’en même pas large là-bas et les galères
continuent..
Je décide donc de repartir dès le lendemain à kunming. Mais
avant, il me faut régler les nuits passées dans ma GH. J’avais remarqué un peu
soulagée qu’en arrivant à l’entrée de Shaxi, il y avait une banque. Je m’y dirige donc pour retirer car je n’ai
plus rien sur moi.
J’insère ma carte, tape mon code. « code erroné »
me répond l’insolente machine.. Je retape mon code en faisant plus attention.
De nouveau « code erroné ». Ouh là, c’est quoi cette mauvaise
blagounette ? Le sort a décidé de s’acharner ou quoi ? Non, mon code
est correct, il y a un autre problème. Je retourne un peu affolée à ma GH. Seule la
femme est là et ne parle pas anglais bien sur.
Elle appelle alors son mari au téléphone et je lui explique
la situation. Il me répond alors que c’est normal que je ne puisse retirer puisqu’il
s’agit d’une banque locale qui n’accepte que les cartes chinoises !
Ahhhh.. et comment je
fais alors ?
Réponse : il faut que tu ailles dans la plus proche
grande ville retirer avec ta carte puis revenir. Pour ça il faut que tu prennes…
4 bus différents.
On s’acharne je vous dis.. Hors de question de prendre 8 bus
dans la journée. Je tente alors mes talents de négociatrice. J’ai des euros,
quelqu’un voudra bien me les changer ? Ben non..
Au final, après 2 heures, sans autre alternative possible,
le patron très aimable accepte enfin mes euros, ce qui me laisse assez de
liquidités chinoises pour rejoindre la capitale du yunnan demain.
Soulagement !
Retour à Kunming le lendemain sans encombre après 8 heures
de trajet, où je me jette sur le premier DAB venu.
A moins de 24 heures de mon retour en France, vous pensez
que j’en ai fini avec mes pérégrinations chinoises ? Que nenni..
Je me sens pourtant beaucoup mieux et je profite de mes derniers
instants à Kunming (que j’ai un peu plus apprécié qu’à l’aller) avant de partir
pour prendre mon vol intérieur Kunming- Pekin puis mon vol pekin-Paris.
Je suis en avance, et j’attends patiemment en salle d’embarquement
jusque l’heure annoncée. Là, une hôtesse
de la compagnie fait une annonce en
chinois et au vu des têtes des autres passagers, ça n’a pas l’air d’être une
bonne nouvelle. Je m’avance au comptoir pour demander qu’on me fasse la
traduction en anglais. Là encore, je comprends vite qu’aucune hôtesse ne parle
anglais. Finalement, par le biais d’application sur le portable qui s’occupe de
faire la traduction pour moi, j’apprends que l’avion a un problème technique et
qu’on est en train de le réparer. Rassurant..
Patience donc.. Mon moi optimiste ne s’en fait pas trop, j’ai
quand même 3 heures de transit à Pekin, je me dis que j’ai le temps..
Après 1h30 d’attente et après qu’un employé de la compagnie
m’ait dit que je raterai ma correspondance, mon moi pessimiste me mets KO.
Heureusement, quelques minutes plus tard, après une annonce (en
chinois..), tout le monde se presse vers la porte d’embarquement. Apparemment,
l’avion serait « réparé » et prêt à décoller.
Je pousse un ouf de soulagement et mon moi optimiste se
relève d’un coin du ring. 2eme round.
En décollant, je calcule : j’aurai une heure pour
sortir de l’avion, courir au terminal international, me présenter à l’immigration,
passer les contrôles de sécurité et trouver ma porte d’embarquement.
Mouais, short mais jouable..
Je demande à l’hôtesse d’être placée en business pour être
la première à sortir de l’avion.
Atterrissage à Pékin. Je m’apprête à battre des records de
course à travers un aéroport. Mais mon moi pessimiste refait son apparition. En
effet, au lieu de se poser et de chercher sa petite place de stationnement, l’avion
fait des tours sur les pistes pendant 20
minutes. Je bous, je piétine, je rage, je me dis que jamais je n’aurai mon
avion, mes nerfs commencent à lâcher. D’autant plus que quand mon avion s’arrête
enfin, on est au milieu de nulle part et je vois des bus qui nous attendent..
Là, devant la porte en attendant qu’elle s’ouvre, j’explose en sanglots.
Impossible de me retenir. La pauvre hôtesse à coté a pitié de moi et compatit
en me précisant de prendre le premier bus qui est un mini.
Il me reste 40 minutes.. le mini bus part rapidement. Je vois
les lumières des terminaux devant moi. Mon moi optimiste ravale mes larmes
devant des chinois éberlués devant mon attitude. Le problème c’est que les
terminaux apparaissent pour mieux se défiler car au lieu de s’arrêter, le mini
bus prend les tunnels qui s’engouffrent sous les terminaux. Moi pessimiste reprend du terrain. 3ème
round.
Au bout de 15 interminables minutes, le mini bus s’arrête,
les autres passagers comprennent d’eux-mêmes qu’il faut me laisser partir la
première !
Course frénétique. Attente de la navette pour aller au
terminal international (inquiétude manifeste d’un anglais qui vient me voir
pour me demander ce qu’il se passe vu ma tête..), 6 minutes de navette, sprint
vers l’immigration (à cette heure-ci il n’y a personne..), passage au contrôle de
sécurité. Il me reste 10 minutes, je cours comme une deratée, trouve la porte d’embarquement
et je ne sais comment je me retrouve enfin dans mon avion à quelques minutes du
décollage (ce qui n’a pas été le cas de ma valise restée quelques jours de plus
à Pekin). Fin du match. Optimisme a gagné.
Bilan de la Chine : Compliqué, très.. compliqué. Le barrage
de la langue est le problème majeur. Dans les autres pays on trouve toujours
quelqu’un qui parle anglais. Là, c’est juste quasi impossible, je ne m’imaginais
pas à quel point. Et les traducteurs sur les téléphones ont leurs limites.
Je n’ai pas eu de chance avec ce typhon. Sûrement que j’aurais
avancé plus vite dans mon parcours et visité plus d’étapes.
Bilan donc mitigé mais comme on apprend toujours de ses expériences,
je peux dire que la chine est une grande dame que je reviendrai voir, de
manière différente, avec un guide. La Chine n’est pas encore faite pour les
voyageurs indépendants surtout si comme moi, on souhaite sortir des sentiers
battus..
A bientôt donc. Car
si vous me connaissez un peu, je ne renonce jamais.
2 commentaires:
Courageuse Mimi, et finalement pas si malchanceuse, car tu finis par te sortir de tes galères. Merci pour ce partage d'expérience chinoise et pour ces belles photos.
Merci pour le récit de ce retour rocambolesque! Et te connaissant, oui, on sait que tu y retourneras! Ps: j'adore vraiment tes portraits.
Yves et Pascale
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