mardi 6 mars 2012

La poupée qui fait oui - Mandalay-Bhamo - 06.03.12

Hummm.. Je crois que je suis un peu folle. Vous en connaissez beaucoup des tarés qui vont d'un point A à un point B pour.. ne rien voir et repartir aussi sec au point A juste pour partager des moments avec les birmans durant le trajet ??!!
Puisqu'on m'interdit d'aller dans la haute Birmanie, j'irai à mi-chemin, à Bhamo via train + bateau pour redescendre sur Mandalay cette fois directement en bateau (vous suivez..? bon, vous allez comprendre).

Cela commence donc par le trajet Mandalay-Naba : j'ai opté pour le train. Malgré la mauvaise réputation des chemins de fer birmans (retards systématique, lenteur légendaire, accidents fréquents..), je voulais ressentir l’atmosphère des trains que je n'avais plus vécue depuis l'Inde. Cela me manquait.



Pas de couchettes sur ce train de nuit donc ce sera une place assise pour bibi..

Mais d'abord.. comme d'habitude en Birmanie, tu attends. Quand je me présente fièrement une demi-heure avant l’heure annoncée devant le poinçonneur, il me rit à moitié à la figure et me dit avec un grand sourire et en dandinant de la tête : « in 3 or 4 hours », genre « pauvre touriste innocente qui n'y connaît encore rien aux transports birmans.. ».

Et c'est parti pour attendre au sein de cette gare moche et sans charme, assise sur un siège en plastique déglingué, faisant connaissance avec mes voisins d'infortune.


3 heures plus tard, le train fait son entrée. Tout le monde se précipite ; Je me dis que ça doit être un arrêt rapide pour que les gens soient soudainement si pressés. Alors moi aussi je joue des coudes pour ne pas rester en plan sur le quai !

5 minutes après, tout le monde est en place. On part ??

Évidemment que non!! Attends encore 1h30 dans le train avant qu'il ne redémarre. Surtout ne pas chercher à comprendre. C'est comme ça. C'est la Birmanie.

Il est 20h30. 4 heures après le départ prévu, je goûte enfin aux joies du tangage du train. Un mouvement à droite, un mouvement à gauche, un petit saut en l'air. C'est le mouvement automatique que tout le monde adopte après 5 minutes dans le train. On s'habitue. Ça berce.

Voilà, mon wagon ressemble à ça..


J'ai de la chance, personne n'est à coté de moi. Et je suis la seule touriste du train donc comme d'habitude on veut me donner à manger, on m'offre à boire, on m'observe. Je suis la poupée qu'on veut nourrir.

Il commence à faire très très froid car les fenêtres n'en sont pas. Ce sont juste des trous béants vers l'obscurité parfois éclairée de la lueur dorée des stupas étincelantes dans le noir.

Petit à petit, chacun s'installe comme il peut pour la nuit. A la fin, ça donne ça :


Autant dire qu'entre le froid et la banquette dure comme du bois (forcement, c'est du bois!) j'ai pas vraiment dormi.

Le lendemain.. toujours aussi froid..


Mais belle expérience cependant.


Wagon-restaurant kitchissime

Avec cuisine à la minute

Arrivée à Naba à 10h30. Personne ne parle l'anglais alors que je cherche désespérément le bus pour Katha à 1 heure de là. Finalement je comprends que le bus est déjà parti et qu'il faut soit attendre celui de 16h soit partir en moto taxi. Mais trop cher pour moi. Regard de chien battu. Finalement, c'est un petit gars qui m’emmène pour pas cher sur sa mobylette. Quand je le vois arrivé avec sa pétrolette, j'ai peur. Sa mob est vraiment rafistolée de partout... Avec du scotch.

Pas le choix. Sac calé entre ses jambes, moi à l’arrière, je me rends vite compte que ce voyage non plus ne sera pas une sinécure. La faute à la route, pardon.. au chemin de poussière irrégulier qui rejoint Naba à Katha et qui me fait manquer de peu de voler pour me ramasser le cul par terre au milieu de la route à chaque cul de poule. Et il y en a environ un millier.



Je ne sais pas comment j'arrive vivante à Katha mais j'y arrive. Vent terrible, meilleures crêpes à la noix de coco du mooooonde au marché de nuit et sommeil de plomb dans un hôtel pas terrible (Ayarwady Guest house).
Tempête de poussière.. J'avais mis du blanc ce jour-là....

J'aurai pu, j'aurai du m’arrêter là. Et reprendre le bateau aussi sec pour Mandalay. Mais j'avais lu que le trajet de retour durait seulement une journée donc pas suffisant pour vraiment en profiter. Je remonte donc un petit peu, jusque Bhamo en « speed boat » (triple lol). Partie 9h, arrivée 18h. Un espèce de vaporetto inconfortable au possible. J'ai essayé de me lever 3 fois, les 3 fois je me suis pris la barre horizontale du plafond en plein dans le crane qui m’arrête aussi sec dans mon élan. Ça a fait rire les birmans. Moi un peu moins, bosse à l'appui encore douloureuse aujourd'hui.

Remarquez la barre maudite!!!!!

Quelques arrêts dans des villages, qui seront l'occasion pour moi de connaître l'effet d'un abordage.

Sans prévenir, en catimini, des femmes sur leur pirogue assaillent le bateau en même temps, en criant toutes au même moment pour bien te surprendre. Comme je comprends rien à ce qu'elles crient, je crois même à un piratage pendant une seconde!
En fait, juste des cuisinières venues nous ravitailler. Des pirates culinaires.



Bon, me voilà enfin à Bhamo, point de départ de mon retour sur Mandalay, départ originel devenu retour. Vous suivez, oui ?
Bhamo

Et donc Bhamo-Mandalay se fera en ferry gouvernemental qui me ramène pour 9 dollars à condition de dormir sur le pont (cabines sommaires aussi disponible mais chères et je voulais être au contact des birmans).



Provision d'une latte à dérouler qui fera office de lit et une couverture pas aussi épaisse que je l'aurai voulu et c'est parti. 3 autres touristes seront aussi sur le pont mais à part quelques banalités échangées, je m’éclipse assez vite. Je comprends qu'ils ne sont là que pour faire des photos et boire du rhum ensemble alors que moi j'essaye de me faire copine avec les birmans. Un même voyage, 2 expériences. Je me demande ce qu'ils foutent là.. Passons.


Les petites filles du bateau m'adoptent très vite et en signe de ralliement à leur troupe me badigeonnent de tanakha dès le 1er jour. Je suis la poupée qu'on maquille.
1er jour, des carrés.

Des ronds pour le 2eme jour.
Bon sinon, le ferry est assez grand :


Le pont supérieur où je dors:

Sur le LP, j'avais lu : « le trajet prend au moins un jour et demi ».

Je demande à tout hasard à quelle heure on sera le lendemain à Mandalay.
Pareil qu'à la gare 2 jours plus tôt, on me rigole à la figure en me disant: "dans 3 ou 4 jours... peut-être.." Le mec rit si fort que je crois à une bonne blague que je trouve pas très drôle mais bon.. j'esquisse un sourire pour lui faire plaisir et m’inquiète pas trop.

Je profite de ce microsome birman qui m'est offert. Puisqu'on me refuse de dormir dans les villages, je m'en suis trouvé un reconstitué.

Avec buvette et ses tenanciers :






Avec boutique et sa vendeuse :


Même la religion est présente à bord.



Une très très bonne ambiance règne ici et les heures passent tranquillement sur le fleuve Irrawaddy (boueux et pollué de tout ce que les habitants autour y jette. La conscience écologique n'a pas encore atteint la Birmanie.).

On voit défiler les villages.







Lors de nombreux arrêts, au gré des chargements et déchargement, je me balade dans les villages acompagnée de mes gardes du corps-petites filles qui sont fières de m'exhiber.








A bord, on s'occupe. On fait sa lessive, s'offre un massage, joue aux cartes, dort, mange, fume, rit.







La promiscuité a cependant ses défauts et au moment de dormir, les ronflements de certains, les crachats, les quintes de toux ont raison de mon sommeil. Je refrenes mes fous rires nerveux et mes pulsions de meurtre collectif. Chopin sur les oreilles m'aide à m'assoupir.. un peu.

Mais le temps passe et je me rends compte le 2ème jour qu'en fait non, c’était pas du tout une blague l'histoire des 3, 4 jours de trajet. D'habitude je me fous des contretemps mais mon avion pour Bangkok est pour dans 3 jours.

Un deuxième nuit à bord, sommeil interrompu à 1h du matin par une tempête. Pluie et vent s'invitent et m’empêchent de dormir.



3ème jour à bord, avant-veille de mon départ du pays et toujours pas de réponse quand à mon arrivée à Mandalay. Je commence à me dire que c'est foutu.


Alors qu'on s’arrête pour un énième chargement, on accoste à coté d'un autre ferry qui va également à Mandalay. Je comprends que ce second ferry est un peu plus rapide que le mien. Après 3 jours d'ode à la lenteur, il faut que j'agisse.
Dilemme. Rester sur mon bateau avec tous ces gens avec qui je me sens bien ? Ou mettre toutes les chances de mon coté pour ne pas rater mon avion ?

2 minutes de réflexion et je décide de changer de bateau dans la précipitation. Pas le temps de dire au revoir à tous ces gens magnifiques, pas comme je l'aurai souhaité en tout cas.


Pincement au cœur quand je m’éloigne de mon ancien bateau en agitant les bras face à 30 personnes qui se sont groupées sur l’arrière du pont pour me dire au revoir...


Le 2ème bateau est un peu plus boat people encore mais certes, il est un peu plus rapide. Je fais connaissance avec quelques familles, j’élis domicile à la boutique du bateau mais cela n'a plus la même saveur..


Et je ne sais toujours pas quand j'arrive à Mandalay.

3ème nuit, j'ai dormi plus de 3 heures, alléluia.

La veille de mon vol qui décolle de Yangon, commence à raisonner dans ma tête le générique de Mission Impossible. J'en ai marre qu'on me balade avec toujours des réponses évasives. Si je veux avoir mon vol demain, il faut que je débarque. Quelque soit les moyens que je trouve pour rejoindre Yangon, ce sera toujours plus rapide que le ferry.

Chose faite dès l’arrêt suivant. Village inconnu à une heure d'une ville, Shwebo. Je monte dans un pick-up avec 40 autres personnes reparties entre la cabine du chauffeur, la cabine arrière et le toit. Je crois avoir vécu les les mêmes sensations qu'un Paris-Dakar, mais en condensé.

Je me retrouve finalement à la gare routière de la ville, attablée à un boui-boui en attendant un bus pour Mandalay et profitant d'un peu d’accalmie pour appeler une agence de voyage, histoire de me trouver un avion pour yangon le lendemain matin.


Bien sur, les avions sont pleins. Je me dis que ma seule option, vu que j'arriverai trop tard à mandalay pour prendre le bus ou le train sera de me pointer le lendemain à l'aéroport, en priant pour qu'un passager se désiste. Bonjour la galère.

Mais les deux sœurs qui tiennent le boui-boui ont entendu ma conversation et me previennent tout sourire qu'il y a un bus direct qui va à Yangon et qui part dans 2 heures. Deux petites fées qui s'occupent de tout pour moi, me servant plus que de raison de la nourriture, et me préparant même un lit improvisé pour que je puisse me reposer avant le départ du bus...



Encore une belle image de la Birmanie à travers ses habitants.


Pour finir, bus pris, 4eme nuit sans dormir dans un lit. Je commence à me sentir comme Malaury Nataf ; SDF (Comme vous voyez, je suis les gros titres de l'actualité française..).

Arrivée 5 heures du mat à Yangon. Réussi à dormir quelques heures dans un hôtel avant de prendre mon vol pour Bangkok. On me surclasse pour la première fois en classe Business (alors que franchement, vu ma gueule de déterrée..). Bref, cela me fait sourire de me retrouver en business alors que j'ai dormi dans les pires endroits ces derniers jours.




Jusqu'au bout, on prend soin de moi. Je suis une poupée un peu triste de quitter ce pays et qui fait oui, oui, oui : oui, je reviendrai (très vite) en Birmanie.


Pour mieux illustrer le titre de mon post, Polnareff aurait pu faire dire oui à sa poupée.. Tant pis. J'ai pas trouvé mieux.

Je serais restée 28 jours exactement en Birmanie. Le maximum accordé par le visa. J'aurai pu y rester le double si on m'y avait autorisé.

La Birmanie est un pays merveilleux. Par ses sourires. Ses sourires gratuits, radieux, illuminés. Par son accueil. Par sa générosité. Par sa grâce.

Un pays à la hauteur de mes attentes.
Ce que j'ai aimé :
  • Les birmans. Je retrouve la même chaleur que chez les indiens.
  • Les fous rires des enfants. Jamais je n'ai entendu autant d'enfants éclater de rire. Sans aucun doute, la plus belle mélodie au monde.
  • Le troc, système encore accepté ici. En guise de monnaie défaillante, les commerçants m'ont donné : un vernis à ongle rose Barbie magnifique, un savon, un sachet de café, etc...
  • Les cheveux des femmes sont  superbes. Il n'est pas rare d'en voir avec les cheveux aux genoux. Et puis, j'aime leur façon de se coiffer avec des peignes.

Ce que j'ai moins aimé :
  • difficulté de se connecter à internet, d'appeler.. impossibilité d'appeler à l'international, de se faire appeler
  • Les horaires complètement aléatoires en matière de transport
  • Le bétel que tous les hommes mâchent. Non seulement cette mixture rouge vif les oblige à cracher par terre toutes les deux minutes mais en plus ça leur pourrit complètement les dents. Ça les rend laids..

Voilà, encore un pays de coché sur la route de mon périple. Je repars en Thaïlande pour quelques jours de découvertes sous-marines mais je ne quitte pas tout à fait la Birmanie.

Pas dispo pendant une semaine. Profitez-en pour me laisser un commentaire.


Long post. Pourtant, j'ai essayé de résumer au possible. J’espère que vous en êtes arrivés au bout.
Merci de me lire.


8 commentaires:

Anonyme a dit…

oui je l'ai lu jusqu'au bout et ça m'a même émue...J'ai une petite boule dans la gorge comme si je quittais avec toi ce pays qui vu à travers tes yeux me donne envie de tout plaquer, prendre mes deux gosses sous le bras et te rejoindre dans ton aventure...Nous pensons très fort à toi et nous régalons chaque fois de tes récits, ce soir j'aurais du prévoir le pop corn c'était plus long que d'habitude...Mille baisers Juju (Seb et Baptiste)

Anonyme a dit…

moi aussi ces péripéties m'ont émues. sans doute tes mots simples ont bien traduit tes sentiments, tes mots simples comme le sont les Birmans.
tu m'as aussi fait rire et je te voyait tanguer dans ton train.
Non la Birmanie n'est pas finie.
Mille baisers.
Mam

Vincent a dit…

Merci grande poupée de nous faire voyager avec toi... Moi qui adore les trains et les bateaux, j'ai été gâté avec cet article :-) Et ce qui m'impressionne, te connaissant un peu ;-), c'est ta capacité d'adaptation à des conditions difficiles, parce que le plaisir d'être avec l'autre te donne la force pour cela... Poursuis bien ton grand voyage, extérieur et intérieur, chère poupée ! ^^

couz15 a dit…

d'habitude je ne m'interesse pas a grand chose, par manque de temps, parce qu'en ce moment c'est comme ça, parce que parce que.
Mais tes aventures, ton récit me plait beaucoup, je m'y plonge avec facilité, et me rappelle un peu plus chaque jour que tu fais ce que peu auraient fait: vivre. vivre des experiences ou tu sais qu'humaine ment c'est mieux, et que c'est d'un tresor inestimable que tu te pares, celui de la satisfaction d'avoir osé ! et rien que pour ça, je te tire mon chapeau :)

Jean-Michel a dit…

Nos routes vont donc se croiser ... joli récit, le temps semble s'être arrêté en Birmanie.
Mon départ est pour bientôt, pour l'instant mon parcours n'est pas arrêté.
Bon retour à la civilisation ! et fais pleins de bulles, veinarde !

Jean mini

Anonyme a dit…

Je crois qu'il va falloir que j'arrête de t'appeler pija ;)
C'est trop beau!!!
Gros bisous
Sylvia

Anonyme a dit…

Bonjour Mimi,

Le récit de tes aventures est un vrai régal!!
Bravo ma grande pour tout ce que tu nous fait découvrir et partager... d'une manière si vivante...c'est intéressant, drôle et sensible tout à la fois ...et beau !(quelles belles photos !)

Que de ressources !

Grosses bises
Frederique

P.S : Serais-tu OK pour communiquer à tes "parrains" Toulousains le nom de cette Ile secrète en Thaïlande ?

CyaN a dit…

Eh bien, quel périple! Heureusement que tu es parvenue à partager d'agréables moments siècles locaux car c'était loin d'être de tout repos, et ça aurait facilement tendance à démoraliser dans la solitude.
Et, mince alors! quelle incroyable photo de cette personne grimpant à l'arbre sur fond de soleil déclinant. N'en suis resté bouche-bée.